En cherchant des dossiers sur l’histoire de l’animation, j’ai récemment découvert une petite pépite : Cineanimation.fr. J'ai trouvé mon fameux dossier:
Histoire du Cinéma d'Animation:
Un dossier complet en 9 volets, clair et bien illustré, qui couvre parfaitement les grands événements notables de l’histoire du 7ème art animé.
Outre la partie dossier, il y a aussi ce que je qualifierais de "Wikipedia de l’animation" :
un répertoire d'animateurs notables avec leur portrait,
une liste très exhaustive des films d’animation sortis en France
les sociétés de production ainsi que les distributeurs.
Sans oublier les catégories Critique et Actualité ! Bref, une vraie mine d’or !
La somme de travail derrière ce projet est colossale, et il faut une bande de passionnés pour faire tourner la machine. J’ai voulu savoir qui était derrière ce beau projet.
Aujourd’hui, j’ai la chance d'échanger avec Guillaume, fondateur de CinéAnimation, qui a accepté de répondre à mes questions.
Partie 1 - L'équipe derrière Cineanimation.fr, les origines, et votre rapport à l'animation
Pour commencer, peux-tu nous parler de toi afin de mieux comprendre qui tu es et comment tu t’es passionné pour l’animation ?
Guillaume Hugues, 38 ans, auteur. J'ai toujours aimé écrire, créer, et je suis, depuis mon plus jeune âge, un grand amoureux des films d’animation. Ce que j’apprécie particulièrement dans ce domaine, c’est qu’il est riche, varié et sans limite, bien plus puissant et exigeant que les films en prises de vue réelles, de mon point de vue.
Quelle est l'origine de CineAnimation ? (Qu'est-ce qui vous a inspiré à créer ce site ?)
Pour être tout à fait franc, j’ai une sorte de TOC qui m’incite à faire les choses à fond. Pour vous donner un exemple, si j’achète un livre de cuisine, je vais me sentir obligé de tester chaque recette, même celles qui m’inspirent le moins. C’est la même chose avec les films d’animation. J’aime tellement ça, que je me suis dit : « Et si je les regardais tous… ». À l’époque, je notais et critiquais les films sur le site SensCritique, que je trouve génial. Je me suis rendu compte que j’étais en quelque sorte devenu un expert du genre, et je me suis mis à chercher un site spécialisé, mais j’ai été déçu par les résultats Google. Aucun site ne proposait le contenu qualitatif et exhaustif que je recherchais, alors c’est devenu ma mission. Je me suis laissé un an de réflexion, car je savais que ce serait une tâche chronophage, puis en janvier 2021, le site a officiellement ouvert.
Quels sont les objectifs principaux de CineAnimation ?
L’idée de départ était simplement de proposer un portail dédié à l’animation, réunissant toutes les informations sur le sujet. Mais le site ayant rapidement rencontré du succès, j’ai commencé à me dire qu’il devait devenir le AlloCiné du film d’animation. Aujourd’hui, la philosophie du site est de promouvoir toutes les disciplines de l’animation, sous toutes ses formes, en prenant le sujet au sérieux et en essayant d’atteindre un maximum d’exhaustivité. À ce jour, CineAnimation compte plus de 4 000 pages de contenu, avec pas moins de 2 550 films chroniqués. CineAnimation est entièrement indépendant et n’a aucun partenariat commercial. Lorsque nous écrivons que nous aimons un film, c’est parce que nous l’aimons vraiment.
Qui fait partie de l'équipe ? Pourquoi ont-ils rejoint l’aventure ?
Au départ, nous n’étions que deux dans l’aventure : Jeremy et moi-même. Sans Jeremy, le site n’aurait jamais vu le jour. C’est lui qui l’a conçu. Il s’occupe des aspects techniques et fonctionnels du site. Je pense que le succès du site vient aussi de l’aspect épuré qu’il a su lui insuffler. Quant à moi, je me suis occupé d’ajouter le contenu ainsi que de la partie éditoriale, ce qui a été un travail de très longue haleine. Nous avons été rejoints dans l’aventure par des passionnés qui apportent aussi leurs contributions. D’abord Elise, une rédactrice exceptionnelle qui publie sous le pseudo d’Erizu, et qui a récemment lancé les chroniques. Et dernièrement, Virginie (Mona), qui a eu un coup de cœur pour le sujet en célébrant l’animation au festival d’Annecy.
La partie Critique est bien fournie ! Comment sélectionnez-vous les
projets ou les œuvres dont vous parlez sur CineAnimation ?
La réponse est simple : nous tenons à ce que toutes les sorties sur le territoire français soient chroniquées sur le site, et que tous les films notables soient critiqués, c’est notre credo. Il se peut que vous ne trouviez pas nos avis sur certains films, comme ceux produits en masse pour noyer le marché dans les années 2000, mais dans l’ensemble, nous nous appliquons à visionner toutes les œuvres dignes d’intérêt, et bien évidemment, toutes celles qui bénéficient d’une sortie au cinéma.
Combien de films d’animation regardez-vous en une semaine, et dans quelles conditions ?
Les agences en charge de promouvoir les films nous envoient leurs dernières sorties, et nous sommes également invités aux avant-premières de presse. Cela peut représenter entre trois et cinq films par mois, parfois plus lorsque la programmation est chargée, comme en fin d’année. Le plus gros du travail pour le moment est d’intégrer les critiques des films passés. Heureusement, je n’ai pas besoin de tous les revoir, car j’ai la chance d’avoir publié, tout au long de ces dix dernières années, un grand nombre de critiques. Je m’en sers aujourd’hui comme modèle pour agrandir la base de données des critiques sur le site. Cela représente en moyenne une quarantaine de critiques ajoutées chaque semaine. Vous ne trouverez pas encore les critiques des films sortis entre 2018 et 2021, mais j’y travaille.
Comment vous tenez-vous informé des dernières nouveautés et tendances dans le monde de l'animation ?
Sur les réseaux sociaux, mais depuis un certain temps, les sociétés me contactent directement pour me tenir informé de leurs actualités.
Quelles sont les œuvres d'animation récentes qui, selon vous, ont eu un impact majeur sur le milieu ?
La réponse est évidente : Spider-Man : New Generation de Sony Pictures Animation. Le film est un véritable raz de marée qui dépoussière l’industrie. Il parvient à s’extraire des formules établies. Le spectacle est d’une fraîcheur incroyable. Le nouveau style d’animation, une sorte de mélange hybride entre la 3D et la 2D, semble instaurer de nouveaux standards, et pour une fois ce n’est pas Disney qui les dicte. D’ailleurs, le studio aux grandes oreilles a employé cette technique à sa sauce, avec beaucoup moins d’efficacité, dans son film Wish - Asha et la bonne étoile. J’ai l’impression que ce style visuel n’a pas encore trouvé son nom, mais il lui en faudrait un car il devrait devenir un style très populaire.
Pensez-vous que l'animation est suffisamment reconnue comme un art à part entière ?
Pas du tout. D’ailleurs, le cinéma lui-même n’est pas reconnu comme un art majeur, ce qui est une hérésie vu qu’il englobe toutes les autres formes d’arts et qu’il est sans doute le modèle d’expression le plus apprécié à travers le monde. Par ailleurs, en France, il y a une idéologie tenace selon laquelle les films d’animation sont destinés aux enfants, consolidée par le terme « dessin-animé ». Je déteste cette idée, et c’est la raison pour laquelle je suis très exigeant dans mes critiques. Pour moi, il n’y a rien de pire qu’un film d’animation qui vous donne l’entière certitude qu’il a été pensé pour les enfants et rien que pour les enfants, avec tout ce que cela implique de facilités créatives. Je n’aime pas que les enfants soient déconsidérés comme public et qu’on leur propose des productions au rabais. Un film que vous avez vu enfant et que vous revoyez adulte sans qu’il ait perdu son charme est un film réussi. Heureusement, l’animation est de plus en plus considérée comme un art sérieux.
Partie 2 - Votre vision de l’animation
Comment percevez-vous l'évolution de l'industrie de l'animation au cours des dernières années ?
Le nombre des productions est devenu absolument hors normes. Pour vous donner une idée, en France, il y a eu en moyenne 130 longs métrages d’animation sortis en 2023, contre seulement 15 en 1990. Le plus étonnant, c’est qu’à l’époque, la moitié des films d’animation étaient plus ou moins bâclés, un constat encore plus frappant dans les années 2000, où l’on voyait de nombreux films produits pour le marché de la vidéo dans l’unique but d’une rentabilité facile. Aujourd’hui, les films d’animation sont standardisés d’un point de vue technique ; je veux dire par là qu’on ne voit plus véritablement de ratés techniques. L’industrie de l’animation se précise dans la qualité visuelle, grâce à des outils performants et des techniques plus maîtrisées, mais cette pléthore de productions et cette course à la rentabilité, notamment chez les grands studios, leur font perdre de vue la créativité et la nouveauté. D’une certaine manière, les films sont aujourd’hui beaucoup plus beaux, mais beaucoup moins innovants. Il y a aussi une certaine forme de complaisance, et peut-être d’hypocrisie, de la part du public, qui est de moins en moins enclin à s’ouvrir à de nouveaux styles, et qui semble toujours se satisfaire du même genre de spectacles, certes magnifiques, mais redondants.
Quels changements majeurs avez-vous observés ?
Les films d’animation, comme les films en prises de vue réelles, sont devenus du consommable. La course au buzz, à la popularité, et aux bandes-annonces semble presque aussi importante que le contenu en lui-même (si ce n’est plus). L’émergence des plateformes de streaming est une révolution géniale, mais elle a engendré une pause créative au profit de la quantité, qui est assez vertigineuse. Prenez les studios Pixar : d’un point de vue technique, leurs productions n’ont cessé de mettre la barre plus haut de film en film, jusqu’à atteindre une qualité esthétique complètement dingue dans Soul en 2020. Mais avec l’arrivé de Disney+, les productions suivantes, Luca, Alerte Rouge, Buzz l’Éclair et Élémentaire, l’évolution visuelle et narrative n’y était plus. La marque répète des formules éprouvées, comme si un plateau créatif avait été atteint. D’une certaine manière, les grands studios ne se challengent plus.
Quels sont les critères qui définissent une bonne œuvre d'animation selon vous ?
Je pense qu’un bon film d’animation doit avant tout reposer sur une bonne idée de base, qui doit pouvoir se résumer en une seule phrase. Les prochains films devront aussi savoir s’extraire de certains schémas narratifs usés, même les plus efficaces, car il y a beaucoup trop de films similaires sur le marché. Et par-dessus tout, un bon film doit susciter l’enthousiasme et flatter l’imaginaire.
Comment voyez-vous l'impact de la technologie (comme l'IA, la VR) sur l'animation ? Est-ce un sujet que vous souhaitez aborder sur votre site ?
L’animation a toujours été en constante évolution, et c’est un secteur en perpétuelle émulation avec la technologie. Je suis vraiment enthousiaste à l’idée de découvrir un film en VR, parfaitement accessible et sans effets secondaires, et ce n’est pas du sarcasme ; je suis simplement conscient qu’il y a encore de grandes batailles à mener dans ce domaine pour convaincre le grand public (en ce qui me concerne, la VR me rend malade, mais je crois qu’un jour une solution sera proposée aux personnes qui ont le même problème que moi). Quant à l’IA, comme pour chaque avancée technologique, c’est un sujet qui anime les passions. Je n’ai pas d’avis tranché sur la question mais je trouve ça plutôt grisant.
Partie 3 - Le futur de CineAnimation
Comment envisagez-vous l'avenir de Cineanimation ?
Nous avons une tonne de projets et ce serait trop long d’en dresser la liste. Les nouveautés devraient arriver début d’année prochaine, avec de nouvelles chroniques, des vidéos, et des interviews. Une newsletter ne serait pas un luxe non plus, et j’envisage aussi un système de commentaires, si je trouve quelqu’un de motivé pour les modérer.
Quels sont vos projets à long terme pour le site ?
Sur le long terme, nous songeons à intégrer dans notre base de données toutes les séries animées, les courts métrages, et pourquoi pas les téléfilms. Il existe d’autres sites qui ont cette base de données, je les ai contactés et ceux qui m’ont répondu n’ont pas souhaité faire ce travail commun, ce que je regrette. Ces ajouts restent un défi de taille qui pourrait tripler le volume du site, donc nous devons d’abord nous assurer que nous disposons du temps nécessaire pour le faire. Nous réfléchissons aussi à élargir notre audience avec d’autres médias et à trouver une manière de pérenniser notre travail.
Un dernier mot, un message à faire passer ?
Je remercie la communauté de CineAnimation, toujours plus grande, pour l’intérêt qu’elle porte à notre travail et pour ses encouragements. Malgré ce que laisse supposer la taille du site, nous sommes encore une jeune équipe, et nous souhaitons nous agrandir avec de nouveaux rédacteurs volontaires, disponibles, et bien sûr passionnés. Toutes les contributions sont bienvenues, et nous cherchons tout particulièrement des experts en japanime. Si vos lecteurs sont intéressés, ils peuvent nous contacter grâce à notre formulaire de contact : https://www.cineanimation.fr/contact
Merci beaucoup Guillaume! Bravo pour ton travail et celui de ton équipe! Pour finir avec ce que tu m'as dit:
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